Sous prétexte de répondre à la demande, légitime, de groupes de personnes touchées par le handicap, et en passant le relais aux départements , l’état a « oublié » , « mis à la trappe » une partie de son devoir qui était de faire- lui- l’évaluation des besoins sans se laisser accaparer par les associations puissantes : je ne mets pas en cause la légitimité du militantisme de ces associations, encore que certaines sont sous-tendues par des lobbies financiers et / ou sont des militants de pensées, voir d’ idéologies qui nécessitent que l’on reste critique. Bien sur en écoutant les associations l’idée louable est que l’on écoute la voix de l’usager ; mais il faut aussi entendre les besoins des populations moins organisées et qui ne peuvent pas faire entendre leur voix: soit parce que elles sont en situation de risque de handicap ( les signes ne sont pas manifestes ), de troubles du développement , soit parce que leur vulnérabilité leur enlève les moyens de s’exprimer ( déficience intellectuelle , handicap social, handicap si lourd que il n’y a plus le temps ou l’énergie pour se battre …).
Ne pas me dire leurs associations ne se sont pas exprimées …il est du devoir de l’état d’aller chercher ces populations, d’aller vers elles et de les interroger et de voir leurs besoins : ce sont d’une certaine façon les plus pauvres de notre société.
Dans la situation induite par la mise en place des maisons départementale des personnes handicapées, MDPH, et de l’ensemble du cadre de la loi de février 2005, il y a une grande imprudence : vouloir faire vite, n’est pas toujours faire bien.
- toutes les personnes qui ne « rentreront pas dans les cases » risquent d’être exclues des prestations de compensation. ….Pare que elles ne seront pas dans les critères … et / ou … Parce que elles ne les demanderont pas.. il faut être informé pour demander !!!ou il faut se penser, se savoir, se reconnaître handicapé, Pour exemple, la situation des sujets qui sont en période de découverte du handicap : je rappelle que il n’y a pas une annonce du handicap un jour « J » même quand un diagnostic est annoncé un jour « J » . Il y a des annonces successives et répétées à chaque situation où le désavantage apparaît et entrave le fameux projet de vie que l’on demande de rédiger !!!! Les personnes qui relèvent de troubles psychiques. …sont au sens des « classifications » hors du champ du handicap, mais ces troubles handicapent le quotidien et notamment pour la situation des enfants que je connais mieux, leurs parents désorientés, soucieux, souffrants ont aussi besoin des aides financières et des aides à l‘éducation et la scolarisation etc.
- les personnes qui ne sont pas en capacité de faire leur démarches, et qui n’auront pas quelqu’un dans leur entourage pour les accompagner et contourner les obstacles, voir dévier certaines réglementation seront loin de ces prestations … et ce sera probablement les personnes « marginales », en situation d’exclusion …l’handicap reste terrible pour tous, mais ceux qui n’ont pas de famille, pas de revenus , pas de possibilité d’expression …. Ira-t-on les chercher …sachant que les professionnels qui les accompagnent ou qui devraient les accompagner sont submergé de travail.. et ne pourront pas toujours accompagner le projet de vie de ces personnes !
- La mise en place « rapide » n’est pas gage de réussite : elle fonctionne pour le moment sur les liens établis avant le changement de loi ; mais le réseau de travail a été « détruit » et lorsque les liens antérieurs n’existeront plus (changement de personnes, absence des structures de travail de terrain en équipe) il y aura une perte d’efficacité. Je précise au niveau des enfants et de la scolarité des enfants handicapés et des enfants en difficultés … tout repose maintenant sur une personne : l’enseignant référent dont la charge de travail est énorme et qui n’a plus de lien de travail avec l’inspecteur de circonscription. La qualité de l’intégration ou insertion scolaire reposait sur une bonne connaissance du tissu enseignant local, une connaissance mutuelle des équipes de RASED , des équipes de soins et des travailleurs sociaux d’un secteur , d’un bassin: cette connaissance existait , murissait s’entretenait dans des réunions locales , de circonscription : la loi demandait déjà que les usagers ou leur représentants soient reçus et entendus ( ce n’est pas une nouveauté de la loi 2005 comme on tente de nous le faire croire ) et je connais beaucoup d’endroits où cela était fait. C’est dans ces cadres que pouvaient être élaborés des projets de terrains (CLIS , CLIS maternelle , CATTP , CMPP… )qui peu à peu pouvaient voir le jour ..
- Faire croire aussi bien aux familles que aux enseignants que une auxiliaire de vie scolaire AVSi résoudra tout et permettra une scolarité coute que coute en milieu ordinaire est aussi une duperie … pourquoi en est-on venu là : sans différencier ce qui peu légitimement être le rêve de parents,qui ont besoin de temps pour faire le deuil de la normalité, des situations où effectivement tenter le milieu ordinaire avec des accompagnements de soutient est légitime et peut permettre un réel bénéfice …et des situations où cela sera un échec et fera souffrir l’enfant en difficulté ou handicapé, les enseignants , parents et élèves de la classe .. et il faut savoir que les dites AVSi ne sont pas des professionnels formés (je ne mets pas en cause l’attention avec laquelle le plus souvent ils sont embauchés) et que leur statut sont ceux d’emplois précaires inadmissibles.
Bref, cette loi rénovant la loi d’action sociale de 1975 a bien des imperfections et beaucoup de risques de « maltraitance » dans sa mise en place. Pour le citoyen qui n’est pas touché par le handicap, ou pour la personne handicapée qui peut s’exprimer elle a une apparence de progrès …mais pour les personnes vulnérables, en risque de handicap , pour les jeunes enfants … elle est un vrai recul ..
UN département a essayé d’appeler sa maison des personnes handicapées , « maison de la solidarité » : il s’est fait rappeler à l’ordre !!!
Si on garde l’image d’une maison, il faut ajouter des étages , des pièces , des chemins d’accès …
… si vous êtes parent isolé, RMIste, sans voiture, domicilié loin du lieu de la MDPH …si vous ne savez pas lire, que vous-même parents d’enfant en difficulté vous êtes en situation de déficience , et que l’ on vous demande « est ce que votre enfant est reconnu par la maison des personnes handicapées ? » .. « pour avoir une AVSi ou un projet personnalisé de scolarité, il faut aller chercher un dossier à la MDPH » , est ce que c’est un progrès ??? Non je ne fais pas du misérabilisme, cela existe … il n’y a pas de réunions de travail de professionnels sans que cela ne soit exprimé.. mais ceux-ci « croulent sous les dossiers en X exemplaires à remplir, alors que déjà ils ne peuvent répondre à la demande …
Et si ils donnent priorité à leur travail , ils n’ont pas le temps de l’exprimer
Le 9 avril 2007
Odile BERANGER
Médecin pédiatre chef de service du centre d’action médico-sociale de Grasse
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